Ce samedi 13 décembre 2025, les fils et filles du grand Tône ont célébré à Dapaong Tingban Paab, la fête traditionnelle des moissons. Si la reprise de cette célébration, suspendue depuis 2019, symbolise une relative amélioration de la situation sécuritaire dans la région des Savanes, elle a surtout servi de tribune d’expression populaire pour interpeller le pouvoir sur une préoccupation vitale : l’accès à l’eau.
Interrompue d’abord par la pandémie de Covid-19, puis par l’insécurité liée aux incursions terroristes, la fête a renoué cette année avec ses rituels et sa ferveur. La cérémonie a connu la présence du général Yark Damehame, directeur de cabinet du Président du Conseil des ministres, Faure Gnassingbé, ainsi que celle de Barry Moussa Barqué, président du Sénat et représentant du PCM à l’événement.
Face à ces deux grandes figures du régime, les populations du grand Tône ont égrené un chapelet de doléances, dont la plus insistante reste la question de l’eau. Une revendication en apparence banale, mais qui traduit à elle seule l’ampleur du malaise et les insuffisances persistantes de la gouvernance dans une région pourtant présentée comme un grenier agricole.
« Tingban Paab est aussi un tremplin pour exprimer les doléances du grand Tône, notamment la multiplication des retenues d’eau pour le maraîchage et la culture de contre-saison… », a déclaré le chef du canton de Nandoga, dans son allocution rappelant l’esprit et la portée de cette fête.
L’ironie est d’autant plus frappante que cet appel a été lancé en présence de trois anciens ministres de l’Eau, tous originaires du grand Tône : Yark Damehame, Tiem Bolidja, son prédécesseur, et Bissouné Nabagou, qui a occupé ce portefeuille de 2009 à 2012.
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Malgré cette représentation exceptionnelle, l’accès à l’eau demeure un luxe pour de nombreuses familles de Dapaong.
Si le chef du canton n’a pas explicitement évoqué l’eau potable, le silence semble relever de la diplomatie. Les festivités se sont en effet déroulées dans un quartier où l’eau ne coule plus des robinets depuis près de six mois.
À Nadégré, quartier de résidence de l’actuel préfet de Tône, comme dans plusieurs autres zones de la ville, les populations font face à une pénurie d’eau sans précédent.
La situation interroge : comment une région dont les fils ont, pendant des décennies, dirigé les ministères en charge de l’eau et de l’hydraulique villageoise, a-t-elle pu rester aussi longtemps sans infrastructures adaptées, alors même qu’elle est réputée pour l’agriculture et l’élevage ?
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Et rien n’indique une amélioration à court terme. Interrogé récemment par un média local, l’ancien maire de Dapaong, Gountanté Yampoadeb, a reconnu que le château d’eau qui alimente la ville est aujourd’hui incapable de satisfaire les besoins d’une agglomération en pleine expansion.
Le réseau de distribution s’est étendu sur près de 45 kilomètres, tandis que les équipements de l’unité de traitement d’eau potable, devenus vétustes, nécessitent un renouvellement urgent.
Ainsi, au-delà des danses, des rites et des discours officiels, Tingban Paab 2025 aura surtout révélé une soif réelle, celle d’une population qui attend toujours que l’eau, source de vie, cesse d’être une promesse et devienne enfin une réalité.
François Bangane