Sous Faure Gnassingbé, la décentralisation peine à dépasser le stade du discours. Entre promesses d’autonomie locale et réalité des moyens inexistants, les mairies des Savanes peinent à simplement s’abriter. Dans plusieurs communes de la région des Savanes, la première session des conseils municipaux de l’année s’est tenue dans des locaux précaires, plus proches de salles de classe abandonnées que de véritables bureaux de mairie.
Ce jeudi, les photos des conseils municipaux affluent sur les réseaux sociaux : nouveaux maires en tenue d’apparat, mines fières. Sur la toile, l’événement semble solennel. Mais derrière ces images, le décor frappe : des murs lézardés, des tables brinquebalantes, des salles aux plafonds effondrés.
À Tône 4, c’est un ancien bâtiment d’une unité de transformation de noix de karité qui fait office de siège communal. À Tami, les anciens bureaux de l’ONG Danoise Bornefonden accueillent désormais les services municipaux. À Ponio, Naki-Ouest et Barkoissi, des villas construites par de jeunes ressortissants travaillant dans les mines d’or des pays voisins ont été louées pour servir de mairies.
Six ans après les premières élections locales, aucune commune de la région n’a réussi à s’offrir un toit digne de ce nom.

Depuis 2019, le pouvoir vante une décentralisation censée rapprocher l’administration des citoyens. Mais dans les faits, la plupart des communes se débattent avec des moyens dérisoires.
À Korbongou, Naki-Est et Tami, un projet de construction de sièges municipaux confié à l’AGETUR a été lancé puis abandonné, comme tant d’autres chantiers publics dans la région.
Même Tône 1, la plus grande commune, doit se contenter d’un rafraîchissement de peinture financé par la coopération allemande. Même le plafond délabré du centre culturel Robert Cornevin qui accueille les sessions du conseil municipal sont restés en l’état six ans durant.
Au Togo, la décentralisation rime avec en majorité des mairies sans toit, des maires sans bureau et de citoyens sans espoir.
Six ans après, la décentralisation togolaise reste une décentralisation de façade.
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Les communes, censées être les moteurs du développement local, demeurent dépendantes de Lomé pour le moindre investissement. Le transfert de compétences reste théorique, celui des ressources quasi inexistantes.
Dans ce contexte, les élus locaux, souvent animés de bonne volonté, se contentent de gérer la pénurie.
La question s’impose alors : comment parler de gouvernance locale quand le pouvoir local ne dispose ni d’un toit, ni d’un budget, ni d’un vrai pouvoir ?
En 2019, la tenue des élections locales avait été présentée comme une avancée démocratique de taille du régime Gnassingbé. Six ans plus tard, l’expérience révèle surtout les limites d’une réforme conduite sans vision à long terme.
La décentralisation, censée corriger les déséquilibres territoriaux, a fini par reproduire les mêmes inégalités : les régions les plus pauvres restent les moins servies.
Dans les Savanes, la décentralisation a l’apparence d’un bâtiment public abandonné : la façade est là, mais le toit manque.
Et à force de parler d’autonomie locale sans la construire, le pouvoir risque de voir s’installer une autre forme de centralisation : celle du désenchantement.
François BANGANE